L’actualité s’est arrêtée le 7 janvier enfin presque

Le 7 janvier n’a pas été un jour comme les autres. Comme l’a dit Manuel Valls, il existe un avant et un après. Ce jour funeste a été marqué par le deuil. Un attentat a touché la rédaction de Charlie Hebdo. Cet événement a montré à quel point la liberté d’expression et la liberté de la presse pouvaient vaciller en quelques minutes. La France a elle aussi vacillé. Ces acquis des Lumières universelles pour nous ne le sont pas pour tous. Certains s’y attaquent tous les jours. Ce moment a montré que des journalistes, caricaturistes étaient devenus des cibles pour les terroristes. Malheureusement cette réalité ne date pas du 7 janvier.

Chaque jour des hommes et des femmes risquent leur vie pour nous informer. Aujourd’hui, ils sont devenus des victimes collatérales des guerres. Parfois, ils servent de monnaie d’échanges. Les terroristes ont compris que les journalistes représentaient des symboles. En les faisant taire, les terroristes baîllonnent la liberté de la presse et la liberté d’informer librement auquel devrait avoir droit chaque citoyen du monde. Aujourd’hui, nous nous focalisons sur la rédaction de Charlie Hebdo car elle a connu un drame humain sans commune mesure. En rendant un hommage à Charb, Tignous, Cabu et à tous leurs collègues, il ne faut pas oublier ceux qui travaillent au quotidien pour nous aider à devenir des citoyens doté d’un certain esprit critique aux quatre coins du monde. Une presse citoyenne c’est une presse libre. Elle se doit de contester, de regarder le monde avec justesse, de se montrer critique envers les politiques la société pour nous ouvrir les yeux sur ce qui ne fonctionnent pas correctement. Pour nous transmettre cette vision, ils essayent de prendre du recul par rapport à chaque situation.

De l’émotion citoyenne à l’émotion médiatique

A l’heure de l’immédiateté et de l’émotion, il leur est parfois difficile de prendre du recul et d’analyse la réalité. Mercredi 7 janvier 2015, s’est ce qu’il s’est passé. La fusillade à Charlie Hebdo a monopolisé l’actualité. C’est tout à fait normal. Cette information était centrale et demandait un traitement de premier ordre. Il demandait aussi de l’analyse. Il nécessitait de prendre du recul. Ce drame a suscité une émotion incommensurable. Chacun s’est senti concerné. De nombreuses émotions se sont bousculées dans nos esprits. La tristesse, s’est mélangé à de l’incompréhension. Devant de tels évènements nous sommes bouleversées et les images ou leur simple évocation nous plonge dans un état de sidération. Cette sidération nous empêche de réfléchir. Ensuite la peur vient s’immiscer dans nos têtes et nous fait parfois douter de nous-mêmes et surtout des autres et c’est dommage. Notre regard et celui des médias se sont contractés. L’émotion spectaculaire est aussi médiatique. Elle a été renforcée par la médiatisation intense et les images qui passaient en boucle sur tous les canaux de diffusion. Tous les medias se sont affolés. En tuant des membres de la rédaction de Charlie Hebdo, les terroristes les ont aussi attaqués dans leur humanité et leur professionnalisme. Outre des confrères, beaucoup ont perdu des amis ou des modèles. Les terroristes ont atteint leur intégrité physique, morale et psychologique. Ils craignent aussi pour leur avenir.

Cette émotion s’est amplifiée au fil des heures, des jours. Le chagrin individuel s’est transformé en deuil national. La peine s’est institutionnalisée. Des centaines voire des milliers de citoyens ont spontanément décider le jour même pour exprimer leur colère, leur incrédulité voire leur désespoir. Ce sentiment prouve que les citoyens français croient encore à des valeurs. Beaucoup n’avait jamais manifesté.

Une union de façade

Cette unanimité cache pourtant des divisions. La société était déjà fracturée avant par le racisme et la stigmatisation. Cette immense communion symbolique ne dura peut-être pas mais restera gravée dans nos mémoires. Soutenir la liberté d’expression ne veut pourtant pas dire forcément aller marcher pour la défendre. On peut y croire fermement sans pour autant participer à ce rassemblement. Aller une fois dans sa vie manifester sous le coup de l’émotion ne change pas la situation. C’est un moyen de se galvaniser, d’être solidaires ou fraternels le temps d’une après-midi ou le temps d’un deuil national qui durent trois jours. Même une semaine se ne serait pas grand chose. Ce combat doit être mené au quotidien. Cette fraternité montre un autre visage de la France. Il nous semble plus acceptable. Cette solennité révèle pourtant un malaise.

Le symbolisme impressionnant est pourtant pesant. Il le devient encore plus lorsqu’il est repris par les politiques. Les citoyens n’y peuvent rien. Les médias jouent le jeu de l’hypersensibilité et de l’hyper émotion. Cette réalité est dommageable. Après le rassemblement du 11 janvier la société doit se reconstruire sur des bases saines. Cette communion unanime laisse déjà des traces. Des actes anti musulmans ont déjà été recensés.

En tuant ces caricaturistes, des artistes, des hommes et des femmes prônant la laïcité, la liberté, les terroristes nous ont atteint dans notre chair, dans nos valeurs. Ces dessinateurs participaient à la construction de notre esprit. La force de Charlie Hebdo est d’avoir été habitée par une pensée libertaire souvent rattachée à l’extrême gauche. Cette liberté de pensée n’a pas été du goût de tous mais au moins ils ont fait et continueront de faire cet hebdomadaire avec leurs convictions. Charlie Hebdo a été arrêté dans son élan le 7 janvier. Aujourd’hui, il tente de repartir sur de nouvelles bases. Le monde de Charlie Hebdo continuera de tourner même si cela ne plaira pas à tout le monde.

Jessica Staffe